Toulouse, 2 juillet 1975 le 205 tout neuf !
Le Concorde portant le
numéro de série 205 (cinquième Concorde de série) et immatriculé F – BVFA
tombe de chaîne fin juin 1975 à Toulouse Blagnac chez Aérospatiale,
anciennement Sud Aviation. Ayant tout de suite reçu la livrée Air France
“code-barres”, il est le premier Concorde à porter les nouvelles couleurs de
la Compagnie. Né sous le signe du Cancer, il effectue ses premiers tours de
roues sur les pistes toulousaines au cours de l’été 1975. Son premier point
fixe est mené à bien le 15 octobre, et il assure son premier roulage grande
vitesse le 22 octobre. Le 25 octobre 1975, piloté par André Turcat, il vole
pour la première fois et devient ainsi le premier Concorde à atteindre Mach
2 dès son premier vol. Ce jour-là, il atteint même… Mach 2,11 ! Cinq autres
vols d’essai ont lieu ensuite. Le test de conformité se déroule le 20
novembre dans le cadre de son septième vol. Le huitième vol a lieu le 29
novembre en tant que vol de réception avec un équipage d’Air France. Le 02
décembre 1975, Foxtrot-Alpha reçoit son certificat individuel de
navigabilité à l’occasion de son neuvième vol. Il est désormais habilité
pour le transport de passagers dans le cadre d’une exploitation commerciale
par une compagnie aérienne, Air France en l’occurrence. Le 18 décembre, il
assure son dernier vol d’essai avec les Commandants de Bord Air France
Guillaume Tardieu (pilote) et Pierre Dudal (copilote). Pour mémoire, Pierre
Dudal sera le premier Chef Pilote de la Division Concorde chez Air France.
Le lendemain, 19 décembre 1975, après une symbolique remise de clés à
l’équipage par André Turcat en personne, Foxtrot-Alpha décolle de Toulouse
avec le même équipage, accompagné des Officiers Mécaniciens Navigants Air
France André Blanc et Martial Detienne. L’avion effectue une boucle
supersonique au-dessus du Golfe de Gascogne et atterrit à Roissy-CDG. Ce
jour-là, Foxtrot-Alpha entre dans la légende, car il est le premier avion
supersonique livré à une compagnie aérienne. A ce titre, le FA reçoit très
vite le surnom de “Air France One” par le personnel de la Compagnie,
allusion malicieuse au Boeing du président des Etats Unis, “Air Force One”.
Au cours des premiers jours de janvier 1976, le F – BVFA est utilisé pour un
vol d’entraînement, piloté par les Commandants de Bord Air France Fernand
Andréani et Michel Butel, sur la ligne Roissy – Le Caire (vol AF4602) et Le
Caire – Roissy (vol AF4605).
Le 14 janvier 1976, un second Concorde est livré. C’est le G – BOAA (numéro
de série 206), né à Filton, en Grande-Bretagne, et remis à British Airways.
Le 21 janvier 1976, une ère nouvelle débute pour l’aviation civile, avec les
premiers vols commerciaux supersoniques. Simultanément, Foxtrot-Alpha
décolle de Roissy-CDG pour Rio de Janeiro via Dakar (vol AF085), tandis que
le G – BOAA décolle de London-Heathrow pour Bahreïn. Tous deux transportent
alors les premiers passagers supersoniques de l’histoire de l’aéronautique.
A l’occasion de son premier vol commercial, l’équipage du FA est composé des
Commandants de Bord Pierre Chanoine (pilote) et Pierre Dudal (copilote), et
de l’Officier Mécanicien Navigant André Blanc.
A l’occasion de ce premier vol commercial supersonique français, le
président Léopold Sedar Senghor accueille Concorde à l’aéroport de Dakar. Si
bon nombre de célébrités du moment occupent les confortables sièges du F –
BVFA ce jour-là, il faut mentionner Madame Aurélie Ouille, elle aussi
passagère sur ce vol. Toulousaine, elle avait déjà participé à la première
traversée des paquebots France et Mermoz, tandis qu’elle avait réservé son
billet pour ce vol dès 1967 (!). Le 21 janvier 1976, elle avait… 82 ans.
Voilà qui force le respect.
Foxtrot-Alpha est aussi l’avion du premier vol présidentiel supersonique
sous couleurs d’Air France, en emmenant Valéry Giscard d’Estaing de Roissy à
la base Andrews de Washington le 17 mai 1976 (vol AF4618), puis de Andrews à
Houston et à la Nouvelle Orléans le 20 mai (vol AF4619), puis de la Nouvelle
Orléans à Pointe à Pitre le 21 mai (vol AF4620), avant de ramener son très
présidentiel passager à Roissy le 22 mai 1976 (vol AF4621).
Le F - BVFA est également le premier Concorde à assurer la desserte
Roissy-Washington, le 24 mai 1976, piloté par Pierre Dudal. Il s’y pose en
même temps que le G – BOAA, piloté par Brian Calvert. C’est la première fois
que des passagers payants supersoniques se posent sur le territoire
américain… en attendant New York.
Puis le FA décroche un double record de vitesse. Le 18 août 1978, il rallie
Roissy à Washington en trois heures et trente cinq minutes, avec le
Commandant de Bord Pierre Chanoine, l’Officier Pilote Gilbert Rognon et
l’Officier Mécanicien Navigant Serge Vallet. Dès le 22 août 1978, il décolle
à nouveau de Roissy pour se poser à New York trois heures et trente minutes
plus tard, avec le Commandant de Bord Fernand Andréani, l’Officier Pilote
Alain Croisé et l’Officier Mécanicien Navigant Jacques Lafaye.
De 1979 à 1980, Foxtrot-Alpha vole en sous-traitance pour Braniff Airways
sous l’immatriculation N94FA, tout en assurant en alternance ses vols
réguliers pour Air France sous son immatriculation d’origine.
Dans la nuit du 14 au 15 avril 1986, le F – BVFA décolle de New York (vol AF
4158) afin d’offrir le magnifique spectacle de la comète de Halley à son
équipage et à ses cent passagers.
Toujours en 1986, il vole avec la Patrouille de France lors d’un show
aérien.
Du 07 au 09 mai 1993, le FA couvre la ligne Roissy – New York – Reno – Las
Vegas – New York – Roissy, à l’occasion du 65ème anniversaire de la station
de radio KOH de Reno. Il transporte alors les invités de cette station (vols
AF4890 et AF4891).
Puis cet avion assure son premier tour du monde, du 1er au 17 novembre 1993.
L’itinéraire est le suivant : Roissy – Antigua – Atlanta – Las Vegas –
Honolulu – Guam – Hong Kong – Kuala Lumpur – Delhi – Bahreïn – Roissy, avec
escale de rêve à chaque étape du parcours. L’équipage est composé du
Commandant de Bord François Rude, de l’Officier Pilote Bernard Depouez et de
l’Officier Mécanicien Navigant Guy Pellerin.
Le 31 décembre 1997, le F – BVFA se pose à La Havane, piloté par le
Commandant de Bord Claude Hétru. Fidel Castro se déplace personnellement
jusqu’à l’aéroport afin de voir cet avion, et visite son cockpit et sa
cabine à cette occasion.
Le second tour du monde du FA a lieu du 11 janvier au 1er février 1998.
Cette fois, il s’envole de Roissy et fait escale à New York, Miami, Cayenne,
Iguaçu, Santiago, Papeete, Noumea, Bali, Phuket, Bangkok, Delhi, Dubaï et
Rome, avant de rentrer à Roissy. Son équipage est composé du Commandant de
Bord Yves Pécresse, de l’Officier Pilote Dominique Fady et de l’Officier
Mécanicien Navigant Robert Buisson.
Au cours de ses 27,5 années de service, Foxtrot-Alpha dessert les villes de
Rio de Janeiro, Dakar, Mexico, Washington, New York, Stuttgart, Caracas,
Pékin, Hong-Kong, Miami, etc…
Sa
carrière s’achève avec la fin des vols commerciaux supersoniques chez Air
France, le 31 mai 2003. Il effectue ses derniers vols commerciaux les 29 mai
2003 (Roissy-New York, vol AF002) et 30 mai 2003 (New York-Roissy, vol
AF001), piloté par le Commandant de Bord Jacky Ramon. Au décollage de Roissy
le 29 mai, Jacky balance les ailes du FA, offrant ainsi aux nombreux
photographes un étonnant panache ondulé de fumée dans le ciel. Au retour à
Roissy le 30 mai, et en conclusion de ce dernier vol commercial du F – BVFA,
Jacky s’autorise une magnifique remise de gaz au dessus de la piste, pour le
plus grand plaisir des passagers et des milliers de spectateurs présents à
Roissy.
Juste après
l’atterrissage, le souvenir de Jacky saluant la foule depuis le cockpit de
l’avion, main droite sur la visière supersonique remontée et pavillon
français à main gauche, est resté dans les mémoires.
Washington, 12 juin 2003: Dernier atterrissage
L’ultime vol du
Concorde F – BVFA a lieu le 12 juin 2003. Il s’agit de son vol de convoyage,
et il est alors piloté par Jean-François Michel, dernier Chef Pilote de la
Division Concorde chez Air France. A son bord, les anciens Chefs Pilotes de
la Division Concorde chez Air France et les anciens présidents de la
Compagnie, en plus du ministre des Transports et du président d’Air France
alors en titre. Ce jour-là, Foxtrot-Alpha décolle de Roissy-CDG pour se
poser à Washington Dulles. Depuis ce jour, l’avion appartient au National
Air & Space Museum de Washington, Smithsonian Institution.
Le choix d’offrir le F
– BVFA à ce musée a été arrêté au printemps 2003, “le FA étant le premier
Concorde français a avoir emmené des passagers commerciaux et supersoniques
aux Etats Unis, il était logique de l’offrir au Musée de Washington. Depuis
la Statue de la Liberté, c’est le plus beau cadeau de la France à
l’Amérique.” dixit le Commandant de Bord Concorde Edouard Chemel, brillant
historien de Concorde.
Washington, 20 décembre 2003: Fox alpha au musée
Le F – BVFA totalise 17
824 heures de vol, et goûte une somptueuse retraite dans un très grand et
magnifique hall d’exposition, qu’il partage avec un SR 71, un Stratoliner,
le prototype de la navette spatiale et de nombreux autres superbes aéronefs.
Ce hall, le Steven F. Udvar Hazy Center, est situé sur la zone aéroportuaire
de Washington Dulles.
Enfin, on peut préciser que ce Concorde, parmi les dix construits en France,
est celui totalisant à la fois le nombre d’heures de vol le plus élevé, et
celui affichant la période de vol la plus longue, soit vingt-sept ans et
huit mois, du premier au dernier vol.
Bruno Sobezyk-Molina
Pour m’écrire :
concorde_fbvfa@postmaster.co.uk
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